Traduit de l’américain par Pierre-Emmanuel Dauzat
Résumé du livre:
La supériorité militaire de l’Occident, depuis l’Antiquité, semble reposer sur une conception particulière de la guerre et de la mort. Car l’issue d’une guerre ne dépend pas toujours du nombre de combattants, de la connaissance du terrain, ou même de la stratégie des chefs militaires. A l’analyse tactique ou géopolitique, Victor Davis Hanson oppose une théorie quelque peu iconoclaste : la victoire, sur le champ de bataille, tient à la cristallisation de valeurs économiques, politiques et culturelles. Ce sont l’individualisme, la démocratie, le rationalisme et l’esprit d’entreprise qui firent plier, en maints endroits du monde, les armées ennemies. Ce fut encore l’Occident qui accoucha des conceptions les plus radicales et les plus meurtrières de la guerre : la guerre « juste » » ou la guerre d’anéantissement, par exemple.
A travers le récit de neuf batailles décisives (Salamine, 480 av. J-C ; Gaugamèles, 331 av. J-C ; Cannes, 216 av. J-C ; Poitiers, 732 ; Tenochtitlan, 15201521 ; Lépante, 1521 ; Rorke’s Drift, 1879 ; Midway, 1942 et Têt, 1968), Victor Davis Hanson explore les multiples facettes d’une suprématie guerrière inégalée. Profondément polémique, cette histoire de la « supériorité » occidentale permet de lire en filigrane son envers le plus sombre : le cannibalisme politique et religieux des Européens au fil des siècles.
p127-128
« L’idée de bataille décisive a encore cours en Occident. L’idée classique que le choc frontal et la bataille rangée sont l’unique façon de gagner des guerres explique en partie pourquoi les Americains estiment honorable et efficace de bombarder les Lybiens lorsqu’ils ont commis un acte terroriste en Europe ; ou « équitable » de faire pleuvoir des projectiles sur des villages palestiniens sous prétexte qu’une poignée d’habitants auraient lâchement commis un attentat contre des marines américains endormis dans leur caserne. Aussi longtemps que les Occidentaux ont affronté l’ennemi dans une confrontation ouverte, le carnage qui s’est ensuivi a toujours été perçu comme relativement immatériel : les terroristes qui ont effrontément massacré une poignée de femmes et d’enfants ou les Etats qui nous ont surpris un dimanche matin en bombardant notre flotte se sont généralement retrouvés avec de meurtrières armées de représailles sur leur sol et des flottes de bombardiers dans leur ciel.
Du fait de nos traditions helléniques, nous autres, Occidentaux, qualifions de « lâches » les attaques terroristes ou les attaques surprise qui ont fait quelques victimes dans nos rangs, tandis que les pertes effroyables que nous infligeons par des attaques ouvertes et directes sont toujours « justes ». Pour l’occidental, la véritable atrocité n’est pas dans le nombre de cadavres, mais dans la manière dont les soldats sont morts et les conditions dans lesquelles ils ont été tués. Nous pouvons comprendre la folie de Verdun ou d’Omaha Beach, mais jamais accepter la logique beaucoup moins meurtrière de l’embuscade, du terrorisme ou de l’exécution de détenus et de non-combattants.
Pour les occidentaux, l’incinération de milliers de civils japonais un 11 mars 1945 est loin d’être un acte aussi révoltant que la décapitation de pilotes de B-29 capturés après avoir dû sauter en parachute. »
« Telle est notre dette envers les morts : nous devons découvrir à tout prix comment – et pourquoi – la pratique du gouvernement, de la science, du droit et de la religion détermine instantanément le destin d’homme sur le champ de bataille. »
p527
« Il existe toujours, pour tous les Etats, un état de guerre continuel envers les autres Etats. […] Car ce que la majorité des hommes appellent « paix », ce n’est rien qu’un mot; et de fait, selon la nature, il y a toujours, pour tous les Etats contre tous les Etats, un état de guerre non proclamé par la voix du héraut ! »
PLATON , « Lois »